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schématique, on peut dire que si les revenus croissent selon une progression arithmétique :

1.000, 2.000, 4.000, 6.000, 8.000, 10.000…, 16.000…,

la quantité de félicité qu’ils procurent suit la progression suivante :

1, 2, 4, 6, 7, 7,50, 7,75, 7,785, 7,9375,….,

et cela, naturellement, tandis que la dépense de force et de labeur que ces revenus dépensés mettent en œuvre croît avec la même progression que ces revenus :

1, 2, 4, 6, 8, 10, 12, 14, 16….

La langue française se sert du mot blasé pour indiquer les personnes dont la félicité et les jouissances ne s’accroissent plus du tout par le fait de superfluités ou de services quels qu’ils soient qu’elles peuvent encore se procurer avec leur argent. Passe encore si l’énorme dépense de force et de labeur que ces revenus gigantesques mettent en œuvre procurait, ou était seule capable de procurer à leurs possesseurs ces moments de sublime extase, ces ivresses divines qui remplissent d’un bonheur immense l’artiste devant les beautés de la nature ou devant une œuvre d’art, ou le savant au moment où il découvre une loi de l’univers ! Mais non ; l’artiste ou le savant, auxquels seulement sont accordés ces bonheurs suprêmes, ne de- mandent pour cela à leur prochain qu’une mini- me dépense de force, ou même aucune. La simple observation d’un phénomène naturel, la simple contemplation de l’inépuisable variété et de la splendeur des œuvres de la nature