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HYPOTHÈSES QUI SERVENT DE FONDEMENT À LA GÉOMÉTRIE.


plus compliqués, lorsqu’on ne suppose plus que l’élément linéaire puisse être représenté par la racine carrée d’une expression différentielle du second degré. Or, il semble que les concepts empiriques, sur lesquels sont fondées les déterminations métriques de l’étendue, le concept du corps solide et celui du rayon lumineux, cessent de subsister dans l’infiniment petit. Il est donc très légitime de supposer que les rapports métriques de l’espace dans l’infiniment petit ne sont pas conformes aux hypothèses de la Géométrie, et c’est ce qu’il faudrait effectivement admettre, du moment où l’on obtiendrait par là une explication plus simple des phénomènes.

La question de la validité des hypothèses, de la Géométrie dans l’infiniment petit est liée avec la question du principe intime des rapports métriques dans l’espace. Dans cette dernière question, que l’on peut bien encore regarder comme appartenant à la doctrine de l’espace, on trouve l’application de la remarque précédente, que, dans une variété discrète, le principe des rapports métriques est déjà contenu dans le concept de cette variété, tandis que, dans une variété continue, ce principe doit venir d’ailleurs. Il faut donc, ou que la réalité sur laquelle est fondé l’espace forme une variété discrète, ou que le fondement des rapports métriques soit cherché en dehors de lui, dans les forces de liaison qui agissent en lui.

La réponse à ces questions ne peut s’obtenir qu’en partant de la conception des phénomènes, vérifiée jusqu’ici par l’expérience, et que Newton a prise pour base, et en apportant à cette conception les modifications successives, exigées par les faits qu’elle ne peut pas expliquer. Des recherches partant de concepts généraux, comme l’étude que nous venons de faire, ne peuvent avoir d’autre utilité que d’empêcher que ce travail ne soit entravé par des vues trop étroites, et que le progrès dans la connaissance de la dépendance mutuelle des choses ne trouve un obstacle dans les préjugés traditionnels.

Ceci nous conduit dans le domaine d’une autre science, dans le domaine de la Physique, où l’objet auquel est destiné ce travail ne nous permet pas de pénétrer aujourd’hui.


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