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reposent tous les soins de l’administration, a frappé d’admiration des savants qui ont écrit sur la Chine. « Ces lettrés, dit Abel Rémusat, forment une association perpétuelle qui se recrute indistinctement dans tous les rangs de la nation, et c’est entre les mains de cette association que résident proprement la force publique et le gouvernement de l’État. C’est au moyen de cette institution si singulière et si peu connue qu’on a résolu le problème d’une monarchie sans aristocratie héréditaire, offrant des distinctions sans privilèges, où toutes les places et tous les honneurs sont, en quelque sorte, donnés au concours, et où chacun peut prétendre à tout, sans que, pour cela, l’intrigue et l’ambition y causent plus de troubles ou de malheurs qu’en aucun autre lieu du monde. » Ailleurs, il s’extasie avec raison sur le spectacle nouveau que présentent des gens de lettres d’accord entre eux et s’entendant paisiblement pour assurer la subsistance de deux ou trois cent millions d’hommes.

Les mandarins lettrés sont aussi respectés que l’Empereur dont ils sont les représentants. Lorsqu’ils président un tribunal, le peuple leur parle à genoux. Outre leur magnifique costume qui impose toujours à la multitude, ils ne paraissent en public que portés dans une chaise dorée et entourée de leurs officiers qui éloignent la foule. Mais ils achètent la considération dont ils jouissent par un travail continuel. Un mandarin doit être accessible, non-seulement aux heures d’audience, mais à toute heure du jour et de la nuit. Sa maison est toujours ouverte ; on n’a qu’à frapper sur une grosse cymbale suspendue à la porte, et à ce signal le juge donne audience. Chaque mois, il doit assembler le peuple et lui développer quelque précepte de morale. Les lois interdisent aux mandarins les plaisirs en public ; mais ils s’en dédommagent souvent dans l’intérieur de leurs résidences. Dans aucun gouvernement de l’Europe les agents du pouvoir ne sont soumis à une surveillance aussi grande, ni menacés d’une plus prompte disgrâce. S’il se commet