Page:Richomme - Contes chinois, précédés d'une Esquisse pittoresque de la Chine, 1844.pdf/80

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

savent pas les garder. » Quant au prétendu despotisme qui pèserait sur la Chine, nous allons voir que c’est une idée excessivement fausse, quoique, fort accréditée.

L’Empereur a un pouvoir absolu, il est vrai. Il dispose à son gré des finances et des charges, il punit ou récompense, fait la guerre ou la paix. Il peut choisir pour héritier celui de ses enfants qu’il préfère, et même il est libre de prendre son successeur hors de sa famille. Mais cette puissance absolue est sagement pondérée. C’est ce qu’a fait remarquer le premier un des plus savants orientalistes dont s’honore la France. « L’empereur de la Chine, dit M. Abel Rémusat, est le fils du ciel, et quand on approche de son trône, on frappe neuf fois la terre du front ; mais il ne peut choisir un sous-préfet que sur une liste de candidats dressée par les lettrés ; et s’il négligeait, le jour d’une éclipse, de jeûner et de reconnaître publiquement les fautes de son ministère, cent mille pamphlets autorisés par la loi viendraient lui tracer ses devoirs et le rappeler à l’observation des usages antiques. »

Les Chinois ont le plus grand respect pour leur souverain, qu’ils regardent comme leur père. Mais aussi ils exigent qu’il remplisse avec zèle les devoirs imposés par ses hautes fonctions. « Pourquoi est-il au-dessus de nous, disent-ils ? n’est-ce pas pour nous servir de père et de mère ? » L’Empereur doit donc veiller sans cesse au bien-être de la grande famille. Il y a un proverbe chinois qui dit : « Quand les sabres sont rouillés et les bêches luisantes, les prisons vides et les greniers pleins, les degrés des temples couverts de boue et les cours des tribunaux remplies d’herbes, les médecins à pied et les boulangers à cheval, qu’il y a beaucoup de vieillards et beaucoup d’enfants, l’Empire est bien gouverné. » Si le souverain néglige ses devoirs, il tombe dans le mépris, et il arrive souvent que ses sujets le renversent du trône. Nous avons vu, dans l’histoire de la Chine, plusieurs exemples de ces révolutions.