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d’ici là, beaucoup d’événements pourraient survenir. Ke-ying rereprit aussitôt : « Très-bien… À partir de ce jour, c’est mon fils adoptif. Son nom (Ke-ying l’avait déjà demandé) sera Frédérick Ke-ying Pottinger, et, jusqu’à ce que vous me renvoyiez après son éducation terminée, vous devez me permettre de garder son portrait. » Je ne pouvais faire aucune objection à cette proposition, et je lui donnai la miniature. Un moment après, Ke-ying montra le plus vif désir d’avoir aussi le portrait de lady Pottinger. Comme je mis quelque hésitation à le lui donner, le dîner fut annoncé, et nous nous mîmes à table. Je croyais le portrait oublié ; mais, vers la fin du dîner, Ke-ying renouvela sa demande en me disant qu’il me donnerait le portrait de sa femme en retour ; qu’il désirait avoir ainsi les portraits de toute ma famille pour les montrer à ses amis de Pékin. Je sentis qu’il était impossible de refuser, et je lui remis la miniature. Il se leva aussitôt, et mit le portrait sur sa tête ; il versa du vin dans un verre, et, tenant le portrait devant sa figure, il marmotta quelques mots tout bas, but le vin, remit le portrait sur sa tête, et enfin se rassit. C’est là, il paraît, la plus haute marque de respect et d’amitié que donnent les Chinois. Tout cela se passait comme si personne n’eût été présent. Ke-ying remit la miniature à un homme de sa suite, et, lui dit de la porter chez lui dans le palanquin d’état avec lequel il était venu. Ke-ying me remercia beaucoup du présent que je lui avais fait, et me demanda quel présent il pourrait envoyer à lady Pottinger, qui fût acceptable. Je voulus éviter de répondre à cette question, et je dis que je lui répondrais le lendemain matin ; mais il me dit : « Quoi ! ne suis-je pas le gouverneur-général des deux Kiang ? et ne serai-je point obéi ? »

« Pour le satisfaire, je lui dis que quelques pièces de broderies venant de lui seraient un cadeau d’une grande valeur. Alors Ke-ying proposa de chanter, ce qui est l’habitude, il paraît, dans leurs réu-