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camp qui avait été dressé tout exprès pour recevoir la mission. Un rideau bleu était tendu devant la porte pour cacher l’intérieur aux regards du public ; là, nous fûmes reçus par une troupe de mandarins qui nous introduisirent cérémonieusement en présence de Kea-shen ; il se leva dès que nous entrâmes, et accueillit la mission avec beaucoup de politesse et de courtoisie. En vérité, les manières de tous ces hauts mandarins eussent fait honneur aux courtisans les plus accomplis de l’Europe. Kea-shen nous invita à rester couverts, se fit présenter séparément à chacun de nous, et demanda si nous avions reçu les présents qu’il avait envoyés à l’escadre. Il s’excusa de nous recevoir sous sa tente, en ajoutant que Tas-kou était trop éloigné du lieu où il nous avait plu de débarquer. À en juger par les apparences, c’est un homme d’une quarantaine d’années et qui semble mériter la haute réputation de talent dont il jouit parmi ses compatriotes. Sa queue, ornement obligé des Chinois de tous les rangs, sauf les prêtres, est remarquable par sa longueur et par les soins excessifs dont cette parure est évidemment l’objet. Il était habillé d’une robe de soie bleue, serrée sur la taille par une belle ceinture brodée ; il était chaussé des bottes de satin blanc que portent toutes les personnes de haut rang ; il était coiffé du bonnet d’été des mandarins, fait de paille très-fine ; on y voyait le bouton rouge, insigne de son rang ; une plume de paon tombait du sommet entre les deux épaules[1]. Au total, sa toilette était fort simple ; mais à en juger par ce que nous avons vu à Chusan, les mandarins, quand ils sont en grand costume, doivent avoir une tenue vraiment magnifique.

« Le camp était entouré d’un mur de toile fort élevé et ressemblant à celui dont les grands personnages et les radjas (princes) de l’Inde font toujours entourer leurs tentes, quand ils sont en voyage.

  1. La plume de paon est un insigne qui correspond aux croix et décorations de l’Europe. Les mandarins militaires portent en outre deux queues d’écureuil, lorsque le pays est dans un état de trouble, qui n’est cependant ni la paix ni la guerre.