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La trahison lui en ouvrit les portes. Le chef des révoltés se dirigea aussitôt vers le palais où le dernier empereur de la dynastie des Ming vivait dans la retraite. Le pauvre prince, abandonné des siens, se donna la mort, laissant la couronne au plus fort ou au plus audacieux.

Li se croyait maître du trône ; ce chef de brigands ne voyait de résistance que dans le Liao-toung, où le général chinois Ou-San-Koueï s’était retiré avec ses troupes. Li marcha contre lui, traînant à sa suite le vieux père du général. Arrivé devant la ville où San-Koueï avait concentré toutes ses forces, et désespérant de s’en emparer, il fit avancer au pied des murs le vieillard chargé de fers, et déclara au général que s’il ne se soumettait aussitôt, il allait égorger son père sous ses yeux. Le commandant chinois se jeta à genoux et, fondant en larmes, il supplia son père de lui pardonner s’il prononçait lui-même son arrêt de mort ; mais il devait sacrifier les sentiments de la piété filiale à son devoir envers le souverain et la patrie. Le vieillard loua son courage et rengagea à ne point céder ; il fut sur-le-champ massacré sous les yeux de son fils. Celui-ci, dans son désir de vengeance, se jeta dans les bras des Tartares, qui vinrent à son secours et poursuivirent les brigands ; Li disparut avec le fruit de ses déprédations, sans qu’on pût s’emparer de sa personne. Mais le général Ou-San-Koueï ne tarda pas à se repentir d’avoir appelé à son secours les éternels ennemis de son pays : « J’ai fait venir, disait-il, des lions pour chasser des chiens. » Le roi tartare, Tsoung-te, le récompensa par le titre de wang (roi), mais il garda pour lui le trône de la Chine. À sa mort, qui arriva quelques jours après, son fils Chun-tchi, qui n’avait que six ans, fut proclamé empereur dans Pékin, au milieu des cris de joie de la multitude qui ne cessait de répéter : dix mille années ! dix mille années ! c’est-à-dire, qu’il vive dix mille ans, notre nouvel empereur !