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C’est pour nous que ces pauvres gens travaillent : c’est pour nous nourrir que pendant tout le cours de l’année ils s’épuisent de fatigues, trop heureux encore si, après s’être épuisés, il leur reste de quoi réparer leurs forces par la nourriture la plus grossière. Nos ancêtres étaient de la classe de ces hommes. Je les ai vus arroser les champs de leurs sueurs, et j’ai été témoin de leurs misères. Je serais aujourd’hui tout comme ils étaient, si j’avais eu assez de forces pour pouvoir travailler. Vous ne seriez alors vous-même que le fils d’un paysan ou d’un laboureur. Le ciel en a disposé autrement ; mais nous ne devons pas oublier pour cela l’état de bassesse d’où il nous a tirés pour nous placer au faîte des honneurs. Ainsi, mon fils, si le même ciel qui m’a placé où vous me voyez, vous destine à être dans la suite roi ou empereur, rappelez quelquefois à votre esprit notre entretien d’aujourd’hui. Il vous inspirera des sentiments de compassion pour ceux de vos sujets qui s’occuperont du travail, et vous portera à les soulager. Il empêchera encore que vous ne vous laissiez dominer par un fol orgueil. »

Le prince qui prononçait de semblables paroles était digne du trône. Aussi en peu d’années tous les désastres de la guerre civile furent-ils réparés. L’ordre fut rétabli, les lettres et les arts utiles encouragés, les impôts diminués ; en même temps les armes chinoises triomphaient, et les provinces subjuguées par les Mongols étaient réunies à l’Empire. Houng-wou mourut en 1398, à l’âge de soixante et onze ans, vivement regretté du peuple qu’il avait arraché au joug de l’étranger et qu’il avait gouverné avec tant de sagesse.

Son successeur fut détrôné par un de ses parents, après un combat acharné dans lequel périrent plus de trois cent mille hommes. Toute cette période des annales chinoises ne présente pas d’intérêt, Des rivalités de palais, des révoltes de gouverneurs de provinces, des guerres souvent malheureuses contre les Tartares, tels