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qu’ils croyaient utiles au bien de l’Empire et les fautes qu’ils croyaient avoir à reprocher au chef de l’État. À côté de la tablette était un tambour ; celui qui venait d’écrire y frappait. L’Empereur, averti par le son, se faisait apporter ce qu’on avait écrit, et profitait, s’il y avait lieu, des conseils ou des reproches qui lui étaient adressés. Yu suivit son exemple. Il fit mettre à sa porte cinq sortes d’instruments de musique, dont le son s’entendait de loin, et on frappait sur l’un d’eux, selon les affaires sur lesquelles on voulait : parler à l’Empereur. Yu, prévenu par le bruit, faisait, entrer sur-le-champ les personnes qui demandaient audience. Voilà, certes, une institution qui n’est pas si barbare. Ces faits, et beaucoup d’autres que nous pourrions citer, attestent un état de civilisation réellement avancée. En effet (et rappelons-nous que cela se passait deux mille trois cents ans avant l’ère vulgaire), la Chine, malgré la simplicité de ses mœurs, avait déjà fait une foule de découvertes utiles, soit dans les sciences, soit dans l’industrie ; elle avait un culte religieux et un gouvernement régulier parfaitement organisé, dont une grande partie subsiste encore aujourd’hui.

Les successeurs d’Yu, qui ne portèrent que le titre de wang, vécurent en rois fainéants ; des luttes sanglantes, qui amènent leur chute, interrompent seules des existences pleines de crimes et de débauches. Le dernier souverain de cette dynastie, Kie, espèce de bête féroce, le Néron de la Chine, ayant soulevé contre lui l’indignation du peuple, fut renversé par l’un des vingt grands seigneurs de l’Empire, Tching-thang, qui le remplaça. Les princes de la seconde dynastie ne valurent guère mieux que ceux de la première : des guerres de succession, des débauches, des cruautés effroyables, voilà, à peu d’exceptions près, l’histoire de ces règnes. Le dernier roi, Chéou-sin, surpassa tous ses prédécesseurs en férocité. Par une froide matinée d’hiver, voyant quelques pauvres gens passer à gué un ruisseau, il remarqua qu’ils supportaient le froid