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rant, au nom de mes anciens services, au nom de mes glorieux ancêtres.

L’Empereur hésita longtemps, car le crime de concussion est sévèrement puni en Chine, lorsqu’il est bien prouvé. Il se laissa enfin fléchir par les larmes hypocrites de Wang-po.

— Je consens, dit-il, à ne pas faire exécuter le jugement qui condamne votre frère, à mort, quoique cette indulgence soit d’un très-mauvais exemple. C’est une nouvelle preuve de l’affection que je vous porte et du cas que je fais de votre mérite. Je commue la peine de mort prononcée contre Kia-tan en un exil de dix ans. Allez ; oubliez un frère qui est la honte de votre famille, et continuez à servir l’Empereur et l’État avec le même zèle.

Lorsqu’on vint apprendre à l’ancien trésorier la commutation de sa peine, les courtisans vantèrent beaucoup la générosité de l’Empereur, et surtout les bons sentiments de Wang-po, qui avait intercédé en sa faveur avec tant de persistance et de dévouement, au risque d’encourir la disgrâce du souverain. L’infortuné Kia-tan sourit amèrement, et leva les yeux au ciel, comme pour en appeler au pouvoir suprême contre la prétendue justice des hommes. Trois jours après, il reçut une bastonnade de cent coups de bambou vis-à-vis la splendide résidence de Wang-po, en présence d’une foule immense qui l’accablait de malédictions et plaignait hautement le vice-roi d’avoir un tel frère ; puis il fut chargé de chaînes, et il partit pour l’exil sous bonne escorte. Par un triste hasard, il fut obligé de passer près du château impérial de Hoo-Kew-Shan. En voyant ces lieux où s’était écoulée son enfance, le pauvre prisonnier ne put retenir ses larmes ; Tsou et Hoa-sse reposaient dans la même tombe à quelques pas de là ; il voulut aller s’agenouiller devant leurs restes mortels, et, le front courbé dans la poussière, il demanda leur bénédiction, leur pardonnant tout le mal qu’ils lui avaient fait par suite de leur aveugle affection pour