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victime. Les deux frères prenaient leurs récréations dans un jardin, dont une partie leur avait été laissée pour qu’ils le cultivassent à leur gré. Vous pensez bien que le jardin de Wang-po était le plus beau ; un domestique s’en occupait exclusivement, et les plates-bandes regorgeaient de camélias, de jasmins doubles, de pivoines, et de ces belles roses connues sous le nom de roses de la Chine. Kia-tan n’avait qu’un petit coin de terre qu’il cultivait assidûment, et dans lequel il plantait les arbustes et les fleurs qu’on voulait bien lui donner. Un jour il avait eu une grande joie ; un de ses oncles lui avait fait cadeau d’un quey-wha : c’est une espèce d’arbre dont les feuilles ressemblent au laurier, et qui porte de gros bouquets de petites fleurs d’un parfum délicieux et des couleurs les plus riantes. Cet arbre était devenu très-grand, et ses fleurs se renouvelaient quatre fois par an. Wang-po avait reçu le même présent ; mais son quey-wha était mort de langueur. Il ne voyait donc qu’avec un dépit mal caché le bel arbre de son frère ; et un jour que celui-ci lui avait offert un bouquet, il l’avait jeté à terre et foulé aux pieds.

Chaque matin, le pauvre Kia-tan courait à son jardin, et contemplait avec joie son arbre à fleurs qu’il arrosait et qu’il soignait de mille façons. Jugez de sa douleur et de sa colère lorsqu’il aperçut un jour trois longs clous enfoncés dans le bas du tronc, et maladroitement recouverts de feuilles et de terre : on avait voulu faire mourir son quey-wha chéri ! Il se releva, les larmes aux yeux et les poings fermés. Son frère était à quelques pas, le regardant sournoisement tout en cueillant des fleurs. Un horrible soupçon vint à l’esprit de Kia-tan… mais non, c’était impossible ! comment son frère eut-il poussé si loin la méchanceté ?… Cependant l’air confus et embarrassé de Wang-po ne lui laissa aucun doute. Alors la tête en feu, la poitrine haletante, il poussa un cri terrible, et se précipita d’un seul bond sur le méchant enfant. Son frère, d’une constitution très-faible, accablé