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un charme indéfinissable. Mais, comme triste compensation, il était d’un caractère détestable, et ses mauvaises qualités ne faisaient que s’accroître par la folle complaisance de ses parents. Jamais enfant n’avait été gâté avec plus d’insouciance : tout lui était permis ; pour lui, jamais de reproches ni de punitions, toujours des compliments et des plaisirs. La sévérité de Tsou ne s’exerçait qu’à l’égard du pauvre Kia-tan, qui supportait avec une résignation exemplaire la colère de ses proches, et même les mauvais traitements. Sa mère surtout, Hoa-sse (fleur attendue), qui eût dû lui faire oublier par ses caresses la disgrâce de la nature, le traitait avec froideur, et montrait pour lui une aversion profonde ; la belle mandarine était honteuse d’avoir mis au monde un enfant aussi laid ; elle oubliait ses bonnes qualités, et ne voyait que son horrible figure et sa démarche grotesque.

Kia-tan semblait cependant ne pas s’apercevoir de la partialité outrageante de ses parents, et il était toujours empressé à rendre à son frère des services que celui-ci recevait avec hauteur. Cette douceur et cette résignation frappaient d’étonnement tous ceux qui voyaient les deux frères, et quelques membres de la famille crurent devoir parler au mandarin en faveur de son fils aîné. Tsou répondit qu’il était maître chez lui, et traita Kia-tan avec plus de dureté. Les beaux habits, les joujoux, les friandises, les bonnes conserves d’oranges de Canton ou de Fo-Kien, étaient pour le cadet. L’aîné, couvert d’un simple habit de toile, ne partageait les plaisirs de son frère que de temps en temps et comme par pitié.

Cette haine odieuse, inexplicable, de Tsou et de Hoa-sse contre leur fils aîné, ne fit que développer les mauvais penchants de Wang-po. Voyant que ses parents et leurs domestiques cédaient à tous ses caprices, tandis qu’ils abreuvaient son frère d’humiliations, il en vint à le détester et à le traiter en esclave ; son orgueil et son irascibilité augmentèrent encore devant le calme et la douceur de sa pauvre