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— Je vous ai fait venir, dit-il, parce que vous êtes le fils d’un de mes plus vieux serviteurs, et que depuis longtemps j’ai entendu vanter votre savoir. Répondez-moi avec franchise, et surmontez votre timidité habituelle. Le peuple est-il content du gouvernement ? n’a-t-il besoin de rien ? est-il bien gouverné ? Allons, parlez.

— Seigneur, reprit Hoang en balbutiant et après quelques moments de silence, je suis livré tout entier a l’étude, et je ne m’occupe que de mes livres. Je ne vais point dans le monde ; j’ignore donc ce qui se passe au dehors.

— Eh quoi ! s’écria l’Empereur, vous êtes mandarin, et vous ignorez les besoins du peuple ! vous ne pouvez dire en quel état il se trouve ! Et si dès aujourd’hui je vous choisissais pour gouverneur de quelque ville, comment rempliriez-vous vos fonctions ? Un mandarin des lettres ne doit pas s’occuper seulement de ses livres. En étudiant, il n’a d’autre but que de s’instruire et de pouvoir instruire les autres ; mais quand une fois il a obtenu ses grades, il doit lire dans le grand livre de la société civile, et ne rien ignorer de ce qui s’y passe, pour pouvoir la servir selon ses besoins dans les emplois qui lui seront confiés. Allez, vous êtes indigne du nom de votre père ; une timidité à peine excusable chez un enfant rend inutile votre science, et vous êtes incapable de servir le gouvernement.

Lorsque l’Empereur se fut retiré, les serviteurs de Hoang vinrent relever leur maître, qui était resté évanoui la face contre terre.

Des bandes de Tartares infestaient alors l’Empire. Quelques jours après la cérémonie du labourage, une armée impériale, surprise par les ennemis, fut complètement défaite, et les vainqueurs s’avancèrent dans le pays, mettant tout à feu et à sang. Le péril était grand. L’Empereur marcha lui-même à leur rencontre, et remporta une victoire décisive. Il avait remarqué pendant la ba-