Page:Richomme - Contes chinois, précédés d'une Esquisse pittoresque de la Chine, 1844.pdf/211

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus remarquable est celle qui existe depuis le commencement de la monarchie, et qui est présidée par l’Empereur lui-même. Le premier mois du printemps, le prince se rend, avec toute sa cour, dans un champ désigné, et là, après avoir imploré la bonté céleste, il prend le manche d’une charrue et trace quelques sillons ; les grands dignitaires de l’Empire l’imitent à leur tour l’un après l’autre. Le tribunal des Rites veille avec le plus grand soin à l’observation de cette cérémonie. On raconte qu’un empereur n’ayant pas voulu suivre l’exemple de ses prédécesseurs, son armée fut battue quelque temps après par les Barbares, près du champ même destiné au labourage, et qu’on regarda cette défaite comme une punition du ciel.

Le gouverneur de Chao-Hing et son fils Hoang assistèrent à la cérémonie, et celui-ci, caché au milieu de ses collègues, attendait avec impatience le signal du départ. La singulière rupture de son mariage avait fait scandale, et plus d’un grave mandarin, en passant devant le jeune lettré, n’avait pu retenir un sourire, Hoang était déjà désolé de se trouver ainsi exposé aux regards et aux railleries du public, lorsqu’à sa grande frayeur un maître des cérémonies, l’appelant par son nom, lui ordonna de se rendre auprès de l’Empereur. Pâle, consterné, tremblant de tous ses membres, le mandarin s’approcha du trône, ou plutôt se traîna jusque là, et se prosterna devant le prince qui causait amicalement avec le père de Hoang. L’Empereur le regarda d’un air moitié riant, moitié soucieux, puis, prenant un ton grave :


    les gouverneurs des villes lui enverraient tous les ans le nom d’un paysan de leur district, qui se distinguerait par son application à cultiver la terre et par une conduite irréprochable. Ce laboureur est élevé au degré de mandarin honoraire de huitième classe, distinction qui lui permet de porter l’habit de mandarin, de rendre visite au gouverneur, de s’asseoir en sa présence et de prendre le thé avec lui. À sa mort on lui fait des funérailles dignes de son rang. Son nom et ses titres d’honneur sont inscrits parmi ceux des citoyens qui ont bien mérité de l’État.