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regards de la foule, tout mouillé et les vêtements couverts de boue ; mais les bateliers, craignant la bastonnade s’ils laissaient le fils du gouverneur dans un pareil état, l’emportèrent à peu près de force chez un apothicaire. Charmé de recevoir chez lui un personnage de distinction, celui-ci s’empressa de montrer son zèle en faisant avaler à l’infortuné une foule de drogues plus mauvaises les unes que les autres, en sorte que Hoang devint sérieusement malade et garda le lit pendant quinze jours.

Il est facile de s’imaginer les tristes pensées auxquelles il s’abandonna pendant sa maladie. Il ne songeait qu’avec dépit au rôle ridicule que lui avait fait jouer sa timidité, et il se promit bien de se corriger. En effet, dès qu’il fut rétabli, il demandait son père de le présenter aux parents de sa future. Grande fut la joie dans les deux familles, et le jour de l’entrevue, Hoang fut reçu avec autant d’affabilité que de politesse. En historien impartial, nous devons déclarer qu’il ne se lira pas trop mal de cette terrible épreuve. Il est vrai que dans son trouble il marcha sur les pieds de son beau-père qui ne put s’empêcher de faire une grimace horrible, qu’il faillit tomber en s’asseyant et qu’il renversa sur sa robe sa première tasse de thé ; mais on ne parut pas faire attention à ces petits malheurs. Le jeune mandarin s’enhardit peu à peu et s’exprima en si bons termes que le beau-père, enchanté, déclara qu’il fixait à trois jours la célébration du mariage.

Alors Hoang vit ses bonnes résolutions s’évanouir. Il eût été inconvenant de demander un délai, et se refuser à cette union était impossible. Il retomba dans ses indécisions, se créant mille chimères et se rendant ainsi, sans motifs, le plus infortuné des hommes. À mesure que le moment fatal approchait, ses craintes ridicules redoublaient. Enfin le matin du jour où la cérémonie nuptiale devait avoir lieu, il s’enfuit de la maison paternelle sous un déguisement et sortit de la ville. Hoang bravait ainsi les ordres de son