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montrait pas moins une timidité qui l’empêchait de se mêler aux jeux des autres écoliers. Ceux-ci, suivant l’usage, tout en rendant justice à son excellent cœur, ne se faisaient cependant pas faute de le tourner en ridicule : on l’avait surnommé la petite fille, et lors que par hasard il voulait exprimer son opinion, on lui répétait, en ricanant, le vieux proverbe du pays : « La poule ne doit pas chanter, sinon la famille est perdue. » Ces railleries étaient aussi inutiles que les conseils du maître. Hoang ne pouvait se corriger de ce défaut qui devait le rendre si malheureux.

Ainsi qu’il arrive souvent aux hommes de ce caractère, sa timidité ne fit que s’accroître avec l’âge. Lorsque, au sortir de l’école, il se vit séparé de la plupart de ses camarades et lancé dans un monde tout nouveau, il se crut perdu. En vain son père en appelait-il à sa raison, lui faisait-il comprendre que si la timidité n’est pas un vice déshonorant, c’est un grand défaut qui ridiculise l’homme et le rend souvent inutile à la société ; Hoang convenait de tout, prenait les meilleures résolutions, et à la première occasion le naturel revenait, au galop. Vivant retiré et sans partager les plaisirs que sa position et sa fortune lui permettaient, il consacrait tout son temps à l’étude ; aussi devint-il excessivement savant dans toutes les branches de la littérature et des sciences. Mais lorsqu’il fallut passer des examens, son mauvais génie vint encore se mettre à la traverse ; autant ses compositions étaient remarquables, autant il était faible dans les argumentations. Il se troublait, balbutiait et répondait tout de travers aux questions les plus simples. L’idée seule de paraître en public devant des examinateurs l’empêchait de dormir. Il échoua plus d’une fois, et ne fut enfin admis parmi les lettrés que grâce à la bienveillance de ses professeurs qui, certains de son mérite, firent la part de sa timidité.

À peine venait-il d’acquérir le titre de mandarin, après tant de tourments et d’angoisses, que son père résolut de le marier. La