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firent des libations sur l’autel, offrirent des viandes à la défunte et jetèrent, dans le feu les petites figures de carton qui représentaient des esclaves, des chameaux, des maisons, etc. Les Chinois sont persuadés que les morts reçoivent en l’autre monde les offrandes qu’on leur fait dans celui-ci. Aussi, ne manquent-ils jamais, à certains jours solennels, de venir faire, des libations et de porter des viandes, des fruits et autres objets de première nécessité sur la tombe de leurs ancêtres. Le cortège funèbre se sépara ensuite en silence ; on n’entendait que les gémissements étouffés du mari et des enfants de la mandarine.

Après avoir prié mentalement pour l’âme de cette jeune femme, je parcourus avec mon guide les allées du cimetière, bordées de chênes nains et d’arbousiers aux fruits rouges. Tous les tombeaux, même les plus simples, qui consistent, comme chez nous, dans une grande pierre, couchée ou debout, étaient entretenus avec un soin admirable. Des clématites et d’autres fleurs odorantes grimpaient le long des pierres, et des cyprès se penchaient sur les tuiles luisantes des toits. Je ne pus m’empêcher d’être frappé d’un profond sentiment d’admiration et en même temps de tristesse. Oh ! mon père, prions pour ces hommes qui n’ont pas encore ouvert les yeux à la lumière céleste. Combien ne sont-ils pas dignes de notre affection, ceux qui portent si loin la vénération pour les morts !

La nuit arrivait ; je sortis du bois, et je descendais mélancoliquement une colline d’où j’apercevais une partie de la ville et du canal impérial, lorsqu’une brillante clarté vint attirer mon attention. Pékin semblait tout en feu. J’interrogeai mon guide, qui me rappela que c’était la fête des Lanternes. Nous pressâmes le pas, et le spectacle le plus original se présenta à mes yeux. Les maisons particulières, les monuments publics, étaient décorés d’immenses lanternes de soie ou de papier, qui représentaient toutes sortes de