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quaient la justice de l’Empereur abusé, en se faisant caution de l’innocence du mandarin. L’empereur Yao, prédécesseur de Chun, avait fait placer à la porte extérieure de son palais une tablette sur laquelle tous les Chinois écrivaient les avis qu’ils croyaient utiles au bien de l’État. Chun avait conservé cette admirable institution. Or, pendant plusieurs jours, cette tablette fut couverte de notes contre Koueï ou en sa faveur. Des officiers dévoués à l’Empereur prenaient en secret les noms des défenseurs et des accusateurs du surintendant. Ces renseignements étaient adressés au grand-juge qui instruisait le procès de l’ancien ministre. Enfin, le matin du jour où le jugement devait être rendu, la femme de Koueï et sa fille, Ta-ki, belle enfant de quatorze ans, vinrent s’agenouiller au pied du trône impérial.

— Grâce ! dit la mère à moitié mourante ; et l’enfant, levant vers le vieux monarque ses yeux pleins de larmes, répéta d’une voix tremblante : — Grâce pour mon père !

La vue de ces deux pauvres victimes attendrit l’Empereur. Il se tourna vers son premier ministre comme pour lui demander s’il n’était pas temps de faire connaître la vérité. Mais en ce moment même, le ministre de la justice s’avançait à la tête du tribunal. Derrière les juges venait Koueï, chargé de chaînes, entouré de soldats, mais dont le visage montrait tout le calme de l’innocence.

— Femmes, dit l’Empereur d’une voix qu’il essayait de rendre sévère, retirez-vous. Sous le règne de Chun, la justice doit avoir son cours, pour le mandarin comme pour l’homme du peuple.

Puis s’adressant au grand-juge :

— Kao-yao, et vous tous, dispensateurs de ma justice souveraine, si vous croyez Koueï coupable, quel châtiment doit-on lui infliger ?

Une multitude immense venait d’envahir la vaste cour au fond de laquelle s’élevait le trône impérial sous un hangar fait de