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que le vieil Empereur ne put retenir ses larmes. Il tendit la main à son premier ministre, et celui-ci la baisa avec respect.

— J’ai toute confiance en vous, mon bon conseiller, dit Chun, après quelques moments de silence. Je vous crois donc lorsque vous me parlez de l’amour de mes peuples. Mon plus grand désir, vous le savez, a toujours été d’imiter autant que possible la conduite du sage Yao, et ; ce n’est point faute d’attention si les lois n’ont pas été respectées avec rigueur. Mais l’Empereur n’est qu’un homme : il ne peut tout voir par lui-même, et quoiqu’il soit puissamment aidé par son fidèle Yu, sans doute bien des injustices ont été commises.

— Mais notre prudent seigneur n’examine-t-il pas lui-même, tous les trois ans, la conduite de ses officiers ? n’a-t-il pas confiance dans la droiture et l’intégrité de ses mandarins ?

— Voilà ce qui cause cependant tous mes soucis ; voilà ce qui me trouble pendant la nuit et me rend triste pendant le jour. L’Empereur est responsable de la conduite de ses agents ; malgré sa sollicitude, il en est sans doute qui sont indignes de la confiance du souverain. Un sage a dit : « N’hésitez pas à éloigner de vous ceux qui ont les mœurs dépravées et qui ne reculent pas devant l’injustice. » Mais comment distinguer les bons des mauvais serviteurs, le vice se cache sous l’hypocrisie ? Mon fidèle conseiller m’indiquera-t-il le moyen de connaître la vérité ?

— Le vice est souvent plus habile que la vertu, répondit le mandarin ; mais rien n’échappe à l’œil clairvoyant du maître.

Chun et Yu reprirent leur promenade, discutant tous les deux sur ce grave sujet ; mais ils ne trouvaient aucune solution favorable, et l’Empereur allait se retirer, lorsqu’une idée subite vint frapper le premier ministre.

— Le moyen est facile, s’écria-t-il, de reconnaître ceux de vos serviteurs qui sont réellement amis de la justice. Je ne puis l’expliquer