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« Le peuple de son royaume n’avait pas gagné en changeant de maître. Le cousin de Della qui s’était emparé du trône, homme vicieux et sanguinaire, avait jeté le masque dès que son pouvoir avait été bien établi ; il opprimait ses sujets avec tant de dureté et d’insolence que les pauvres gens regrettaient leur ancien prince. « Il était jeune, disaient-ils, peut-être aurait-il pu se corriger ; il avait un bon cœur, et il était entraîné par les misérables qui aujourd’hui sont les serviteurs de notre odieux tyran. » Della fut prévenu secrètement des dispositions de ses anciens sujets. Il pria le grand Fo de lui permettre de remonter sur le trône, ne fût-ce que pour deux ou trois ans, afin de tâcher de réparer le mal qu’il avait causé. La colère céleste l’avait bien sévèrement puni, mais il avait surmonté avec courage toutes les épreuves, et il pouvait rentrer avec orgueil dans le royaume de ses pères.

« Le prince hésitait, cependant. Où étaient ses partisans ? qui l’assurait du succès ? Exposerait-il son royaume à toutes les horreurs d’une guerre civile ? Il se décida à attendre les événements. Ses anciens sujets, irrités de l’insolent arbitraire de son successeur, prirent un beau jour les armes et se soulevèrent de toutes parts. Un pauvre paysan se mit à leur tête et les engagea avec tant de persistance à rappeler Della, dont il vantait les vertus et les talents, qu’ils envoyèrent aussitôt une députation au prince exilé. Le tyran ne céda pas ; il avait réuni autour de lui une foule de brigands, gens de courage et de résolution, auxquels il avait promis le pillage en récompense de la victoire. La lutte devait être terrible.

« Della, reçu avec acclamations dans ce même royaume qu’il avait quitté en fugitif, s’acquit l’affection générale par quelques actes de bonne politique. Le nombre de ses partisans s’augmentait chaque jour, et dès qu’il se crut assez fort il marcha contre le tyran. La bataille fut disputée ; on se battit des deux côtés avec toute l’énergie de la haine et du désespoir. Della, toujours en