Page:Richomme - Contes chinois, précédés d'une Esquisse pittoresque de la Chine, 1844.pdf/160

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à la sueur de son front lui donnaient de nouvelles forces. Le soir venu, il mangea avec son maître quelques poignées de fèves cuites à l’eau, et il coucha dans une mauvaise baraque dont les planches mal jointes ne garantissaient pas du vent et de la pluie. Le lendemain et les jours suivants, mêmes travaux, mêmes privations : Della montrait une énergie et une résignation exemplaires. Quelques mois se passèrent ainsi, au bout desquels le bûcheron le remercia de ses services, mais en lui indiquant un de ses parents, constructeur de bateaux, qui pourrait peut-être remployer.

« Le prince partit pour la ville désignée et se fit admettre parmi les ouvriers. Le travail était moins rude ; que chez le bûcheron, il demandait plus d’intelligence, et exigeait certaines connaissances que Della acquit à force d’étude, en prenant sur les heures consacrées au repos. Un jour qu’il lisait avec attention, un bonze vint à passer et l’interrogea sur ses études. Charmé de son zèle et de son application, il lui offrit de le faire entrer chez un riche marchand de ses amis où il aurait une position plus convenable à ses goûts et à son caractère. Della accepta avec joie : dans sa nouvelle profession, il montra une capacité et une activité si grandes qu’au bout de quelques années le marchand lui donna sa fille en mariage et le mit à la tête de sa maison. Le prince, qui cachait à tout le monde son illustre origine, était plus heureux que lorsqu’il gouvernait si mal un grand empire. Cependant une légitime ambition se réveillait chez lui ; travaillant sans relâche, augmentant chaque jour l’étendue de ses connaissances, il se disait qu’il n’était pas trop indigne de remonter sur le trône de ses ancêtres. Ses richesses et son noble caractère l’avaient fait nommer gouverneur de la ville où il était arrivé comme simple ouvrier ; il employait ses journées à rendre la justice, à protéger les intérêts de ses nouveaux concitoyens ; les nuits étaient consacrées en partie à une étude assidue.