Page:Richomme - Contes chinois, précédés d'une Esquisse pittoresque de la Chine, 1844.pdf/146

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Il cache son âge, disait un autre ; il doit avoir au moins cent ans.

— Va lui donner un coup de pied ; ce vilain être ne rit jamais, il pleurera peut-être.

Malgré la vigilance de Siang et les sages conseils de quelques écoliers plus âgés, Tchoung-ni fut en butte pendant plusieurs jours aux hostilités d’une bande de mauvais garnements. Mais rien ne pouvait altérer sa sérénité. Il regardait avec compassion ceux qui l’injuriaient, et ne se comportait pas moins à leur égard avec sa politesse ordinaire, laissant ignorer à sa mère et au maître l’indigne conduite de ses camarades. Ceux-ci cependant se lassèrent, de guerre lasse, d’autant plus que leur jeune condisciple se distinguait par son application au travail, non moins que par sa douceur. Arrivé tous les jours l’un des premiers à l’école, il balayait et arrosait, suivant l’usage, la salle d’études et brûlait des parfums devant la tablette des philosophes. Assidu pendant les leçons et ne perdant pas une seule parole du maître, il fut placé en peu de temps au premier rang de la classe. Frappés de ses facultés précoces, de son intelligence, de ses bonnes qualités, ses camarades ne tardèrent pas à lui rendre justice, l’amitié succéda à la haine, et ils se plaisaient, pendant les récréations, à se réunir autour du petit philosophe pour l’entendre raconter quelque trait d’histoire ancienne ou développer quelque précepte de morale.

Tchoung-ni se promenait un jour dans le jardin de l’école avec Yen-hoeï, l’un de ceux qui l’avaient le plus tourmenté et qui était devenu son meilleur ami, lorsqu’il entendit partir d’un groupe de jeunes enfants des éclats de rire immodérés ; il se dirigea vers eux pour prendre part à leur joie, et jugez quelle fut son indignation en voyant une de ces belles poules qu’on appelle en Chine des poules d’or (kien-ki) liée à un pieu et exposée à la brutalité des écoliers ; quelques-uns avaient attaché des épingles à l’extré-