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58 MÉTAPSYCHIQUE SUBJECTIVE

Avant qu'où ose affirmer l'intervention d'une autre intelligence, il faut avoir épuisé toutes les hypothèses normales, aussi bien que celle d'un travail inconscient de l'esprit, que celle d'une mémoire à laquelle rien n'a échappé. Dans le cours des chapitres qui sui- vront, je donnerai des exemples de cette rigueur nécessaire.

Stella me dit, par les mouvements de la table, comme si elle incarnait Louise : Donne à Stella le marbre qui est dans ton salon. Or je n'avais jamais dit à Stella qu'il y avait un marbre dans mon salon. Tout de même, encore que ce soit extrêmement invraisem- blable, je ne suis pas absolument certain que je ne le lui ai pas dit. Je n'oserais pas condammer un homme à mort là-dessus. Or il faut être aussi sévère pour une conclusion scientifique qu'on le serait pour une condamnation à mort. En outre, quelqu'un a pu dire à Stella que j'avais un marbre dans mon salon. C'est peu probable, puisque je crois bien que Stella n'a jamais parlé à quelqu'un qui est entré dans mon salon. Et pui§ Stella peut avoir dit cette phrase à tout hasard. En somme, quoiqu'il s'agisse là d'hypo- thèses peu vraisemblables, il en est une autre plus invraisem- blable encore, c'est que l'intelligence de Louise, ou une intelli- gence étrangère quelconque, a révélé à Stella qu'il y avait un marbre dans mon salon l .

Assurément, il y aura une limite à cette sévérité, et on ne doit pas la pousser jusqu'à l'absurde. Pour reprendre le cas d'HÉLÈNE Smith, si Hélène, toute jeune encore, n'ayant jamais fréquenté ni une biblio- thèque, ni un orientaliste, n'ayant jamais été en Orient, tient une longue conversation en sanscrit, au lieu d'écorcher (comme elle le fait en réalité) quelques mots incohérents de cet idiome, si elle saisit les finesses grammaticales et philologiques de ce langage com- pliqué, autrement dit, si elle sait le sanscrit sans l'avoir appris, il me sera impossible d'admettre l'hypothèse d'une mémoire inconsciente. Elle n'a pas étudié le sanscrit, cela est certain. Alors, si elle le parle bien, je ne vois pas comment, même en admet- tant, dans toute son intensité, une mémoire inconsciente, impec-

1. Il est vrai que, lorsque la cryptesthésie aura été par de multiples preuves solidement démontrée, on pourra accepter bien des faits qu'on ne peut invoquer aujourd'hui. Aujourd'hui la démonstration est à faire. De là, l'absolue nécessité d'éliminer impitoyablement tout ce qui n'est pas irréprochable, en fait, de démons- tration. On aura le droit plus tard d'être moins exigeant.

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