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de 1/2, et on doit supposer, comme c’est d’ailleurs certainement le cas, que c’est à la suite d’une probabilité 1/2, que la rouge est sortie. S’il dit : « C’est le 7 qui va sortir », et, si effectivement, c’est le 7 qui sort, la probabilité est de 1/37. Mais cependant à chaque instant les joueurs ont des suppositions analogues qui se vérifient ; et ils sont assez aveugles pour oublier les 36 autres cas où ils se sont trompés dans leurs prévisions.

Aussi bien chaque prémonition est-elle un cas spécial qui mérite d’être étudié dans tous ses détails et analysé scrupuleusement, de manière qu’on ne puisse invoquer ni l’auto-suggestion, ni la sagacité perspicace, ni le hasard.

Pour montrer quelle peut être la part du hasard, je citerai le fait suivant qui m’est personnel, et que je ne crois nullement être une prémonition. Il est sans doute exclusivement fortuit. Le 20 mai 1918, j’étais à Paris. Au moment où j’allais repartir pour les ambulances du front, j’inscrivis sur mon agenda, à la date et au feuillet du 24 septembre de cette même année, les mots : « Finis belli ». A ce moment-là (20 mai 1918) aucune perspicacité ne pouvait faire prévoir que la guerre finirait dans quatre mois. Les vraisemblances, — et mon opinion même — étaient que la guerre durerait encore un an au moins. Or, le 24 septembre 1918 a été la signature de l’armistice bulgare, et cette date du 24 septembre est presque aussi importante, pour la fin de la guerre, que la date du 11 novembre 1918.

Si l’on essaye d’appliquer à cette soi-disant prémonition le calcul des probabilités, on trouve qu’il y avait, du 20 mai 1918 au 20 mai 1919, 360 jours, soit avec un numérateur 2, puisqu’il y a deux dates pour Finis belli, 2/360 ou 1/180, c’est-à-dire une probabilité assez faible ; celle par exemple de dire : vous allez tirer dans ce jeu d’abord l’as de cœur, puis un trèfle 1/52 X 1/4 soit 1/208 .

Pourquoi ai-je écrit sur mon agenda, à la date du 24 sep- tembre 1918, ces mots : « Finis belli?» Je l’ignore. Je n’avais jamais fait précédemment de prévision analogue pour aucune autre date (sauf une, qui fut erronée, en 1917).

En tout cas, il serait fou de considérer ce fait comme une prémonition. C’est une coïncidence, assez curieuse peut-être ; mais c’est fortuit, et rien de plus.