352 CRYPTESTHÉS1E ACCIDENTELLE
Un soir de l'hiver 1899, j'étais dans ma bibliothèque de la rue de l'Université, à travailler. Ma femme avait été ce soir-là à l'Opéra, avec ma fille Louise. Soudain, vers 22 heures 30, je me suis imaginé (la première fois de ma vie et sans qu'il y eût la moindre odeur de fumée dans la chambre) qu'il y avait un incendie à l'Opéra. Ma conviction fut assez forte pour que j'écrivisse sur un bout de papier : « Feu! feu! » Quelques minutes après, je me figurai que ce n'était pas assez et j'écrivis : « AU! » (c'est-à-dire attention). Puis, sans inquiétude d'ailleurs, je me remis à mon travail. Vers minuit, dès que ma femme et ma fille rentrèrent, tout de suite, je leur demandai : « Est-ce qu'il y a eu un incendie? » Elles furent extrêmement surprises. « Non, me dit ma femme, il n'y a pas eu d'incendie, mais nous avons eu très peur. A un moment, dans un entre- acte, une fumée s'est élevée de l'orchestre ; il y a eu une rumeur; je suis sortie précipitamment de la loge pour savoir ce qui en était, et j'ai dit àma fille : « Quand je reviendrai, pars tout de suite sans rien attendre ! » On ma rassurée, et la représentation a continué sans encombre. »
Mais ce n'est pas là le seul élément singulier de cette cryptes- thésie. Au moment où j'écrivais sur mes notes : Feu! feu! AU. », ma sœur, Mad. L. Ch. Buloz, dont l'appartement n'est séparé du mien que par une porte, s'imagine qu'il y avait le feu chez moi. Elle va jusqu'à la porte, et, au moment de l'ouvrir, comprenant que sa crainte était chimérique, elle s'arrête en disant : « Non, je ne vais pas pour cette sottise déranger mon frère ».
Ainsi, au même moment, ma sœur et moi nous avons eu une impression d'incendie. C'est l'expression la plus exacte que je trouve pour indiquer la notion très vague que j'ai ressentie, pendant qu'à un kilomètre de là, il y avait à l'Opéra, où se trouvaient Mad. Charles Richet et ma fille, une sérieuse menace d'incendie.
Est-ce coïncidence? Est-ce parce que rue de l'Université il y a eu une odeur de feu et de fumée, si faible qu'elle n'a pas été perçue par la conscience?
Voici maintenant pour le rêve à-demi cryptesthésique.
J'étais assez profondément endormi vers 8 heures du matin, en 1907. Je rêvais à ce moment que j'étais avec Mad. Charcot (pour- quoi Mad. Charcot, que je neconuais absolument pas, à qui je n'ai
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