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Mais ce calcul, déjà assez décevant quand il s’agit de données mathématiques abstraites, devient absolument illusoire quand interviennent les éléments complexes et confus qui entourent une monition. Alors il faut recourir au bon sens plutôt qu’au calcul.

M. Wingfield inscrit sur son carnet : R. B., W. B. noms et prénoms de son frère, Richard Baker, William Baker, il note l’heure et la date, et il ajoute sur son carnet : « God forbid. » A la même heure, son frère mourait d’un accident de chasse.

Le bon sens le plus élémentaire fera conclure qu’il y a une relation entre les deux événements, et que ce n’est pas un simple hasard qui a fait voir à M. Wingfield l’apparition de son frère.

Si encore ce cas était isolé, à la rigueur on pourrait prétendre que le hasard a pu amener chez un individu normal une hallucination (phénomène extrêmement rare quand on est normal), et que cette hallucination a été précisément le fantôme de son frère, juste au moment où ce frère est mort. C’est énormément invraisemblable ; mais enfin, si ce cas était unique, ou presque unique, on n’en pourrait guère conclure. Or il y en a plusieurs centaines d’analogues, et la répétition de ces mêmes coïncidences fait que décidément on ne peut parler du hasard.

Si, un jour, au jeu de la roulette, sur 100 tirages, la rouge sort 80 fois, c’est assez peu vraisemblable ; pourtant on n’en pourra rien conclure. Mais si, pendant un mois, constamment, sur 100 tirages, la rouge sort toujours à peu près 80 fois, on en devra conclure en toute certitude que la machine est faussée. Dans le cas de la roulette, on peut calculer la probabilité; dans le cas des monitions, on ne peut faire de calculs aussi précis ; mais la conclusion est la même.

En étudiant la lucidité expérimentale, nous avons pu démontrer que l’âme humaine a une faculté mystérieuse, et que certains éléments de connaissance parviennent à notre intelligence, autres que les notions dues à nos sens et à nos sensations. Voici que l’étude de la lucidité accidentelle conduit à cette même conclusion, et la corrobore avec une force d’évidence incontestable.

Il y a d’autres voies a la connaissance que les voies habituelles. C’est là notre conclusion ferme, aussi solidement établie que les faits les plus certains de la physique, de la chimie et de la mathématique.