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308 CRYPTESTHÉSIE ACCIDENTELLE

2. Mais d'autre part, l'inexactitude est aussi certaine que la sincé- rité. Et c'est là une cause de grave erreur.

Quand un récit est douné de seconde main, après qu'il a passé par l'imagination et la mémoire (créatrice et infidèle) de deux ou trois personnes, ce récit est déformé. Malgré soi, on tend à le cor- ser, c'est-à-dire à lui ajouter des détails qui le rendront plus mer- veilleux, plus extraordinaire, et à omettre d'autres détails qui le rendraient plus naturellement explicable.

La bonne foi est, dans l'immense majorité, presque dans la tota- lité des cas, absolue; mais l'inexactitude est tout aussi absolue. On ne trompe jamais, mais on se trompe presque toujours.

Je citerai un fait à ce propos : celui du livre de bord du trois- mâts Jacques Gabriel. Sur le livre de bord est écrite, mais avec une encre différente, l'annotation suivante : « En arrivant à Vîle Mau- rice, nous apprenons la mort de la femme du second, M. Penaud, décé- dée le même jour et à la même heure où le bruit s'était fait entendre. » Sur le livre de bord, c'est à la date du 17 juillet qu'est annoncé le fait qu'une voix de femme, en pleine mer, avait été entendue sur le trois-mâts Jacques Gabriel. Or le registre des décès de Paimbœuf indique que la mort de Mad. Penaud a eu lieu le 16 juin. Donc, en ajoutant à son livre de bord l'annotation relative au décès de Mad. Penaud, le capitaine Mangot a, en toute bonne foi sans doute, et sans se rendre compte qu'en fait de science il faut des don- nées d'une précision absolue, rapporté la date du décès de Mad. Penaud, au jour de la voix entendue, quoiqu'il y eût une différence d'un mois.

Certainement, il est nombre de cas analogues pour lesquels, comme dans le cas du trois-mâts Jacques Gabriel, le contrôle rigou- reux n'a pas été possible, de sorte que, souvent, quand il n'y a pas quelque document écrit datant du moment même, de notables réserves sont à faire. Mais ces réserves portent moins sur le fait lui- même, et sur la monition hallucinatoire, que sur le moment où elle s'est produite, moment qui, s'il coïncidait avec l'événement, entraî- nerait une correspondance de temps avec la réalité objective. Il serait donc bien injuste de rayer, sans autre forme de procès, tous les cas pour lesquels les documents écrits immédiats nous font défaut ; car la mémoire, infidèle peut-être quant à la date précise, à

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