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En effet, il me paraît qu’il faut réserver le mot hallucination à un phénomène morbide, qu’on peut définir ainsi : une image mentale extériorisée sans qu’il y ait de réalité extérieure objective.

Or, dans les hallucinations dites télépathiques ou véridiques, c’est-à-dire correspondant à une réalité extérieure proche ou lointaine, il y a certainement une réalité extérieure objective (peu importe que nous la connaissions ou non) une vibration quelconque de l’éther (de nature inconnue), une force extérieure qui conditionne l’hallucination même.

Au contraire, dans l’hallucination de l’absinthisme, de l’alcoolisme, de la paralysie générale, de la manie aiguë, dans l’hallucination provoquée par suggestion chez les somnambules, dans l’hallucination du rêve, et dans les rêves, il n’y a rien d’extérieur : tout est vibration cérébrale intérieure.

L’hallucination est un des symptômes les plus nets de l’aliénation mentale : elle se produit à peu près dans toutes les formes de délire. Il y a des hallucinations après certaines intoxications ; dans l’absinthisme et l’alcoolisme aigus. Dans l’empoisonnement intense par le hachich, les illusions sont si fortes qu’elles vont jusqu’à l’hallucination véritable : peut-être même la belladone et l’atropine produisent-elles, quand la dose est forte sans être mortelle, des hallucinations passagères. On peut chez les somnambules provoquer de longues et méthodiques hallucinations, leur faire vivre un rêve ; car après tout le rêve ressemble beaucoup à l’hallucination. Rêver tout éveillé, et ne pas croire qu’on rêve, c’est avoir une hallucination.

Mais ces hallucinations n’ont aucune réalité objective. Quand un alcoolique voit des rats qui se précipitent sur lui, qu’il entend leurs cris et qu’il sent leurs morsures, il n’y a pas de rats. Quand on dit à un sujet hypnotisé : « entrez dans cette maison qui est là, montez au perron, et asseyez-vous dans le fauteuil » : il n’y a ni maison, ni perron, ni fauteuil. Quand un persécuté entend des voix, il n’y a pas de voix.

Il est extrêmement rare qu’un individu normal, qui n’est ni malade, ni ivre, ni hypnotisé, ait à l’état de veille une représentation visuelle, auditive, tactile, de choses qui n’existent absolument