net, était facile à être touché par ce qui l’atteignait, et ce qui l’atteignait, nous pouvons conjecturer que c’était, non une voix ou un son, mais la parole d’un daemon qui touchait sans voix la partie intelligente de son âme. Les intelligences des daemons, ayants leur lumière, reluysent à ceulx qui sont susceptibles et capables de telle lueur, n’ayants besoiugny des noms ni des verbes, dont usent les hommes en parlant les uns aux autres, par lesquelles marques ils voient les images des intelligences les uns des autres, mais les intelligences propres, ils ne les cognoissent pas, sinon ceulx qui ont une propre et divine lumière ».
Socrate, lorsqu’il entendait ces voix, s’interrompait au cours d’une conversation, s’arrêtant dans le chemin, et disant, pour expliquer sa conduite, qu’il venait d’entendre le Dieu.
Fr. Myers a parlé excellemment du démon de Socrate, et, avec grande raison, ce semble, il assimile ces voix entendues par Socrate aux voix que dès son enfance a entendues Jeanne d’Arc[1]. Il ne trouve d’ailleurs qu’un seul exemple authentique de clairvoyance donné par le démon de Socrate. Comme le philosophe causait avec Eutyphron, soudain il s’arrête, et dit à ses amis de revenir en arrière. Ils ne l’écoutent pas. Mais mal leur en prend, car ils rencontrent un troupeau de cochons qui les bousculent et les roulent dans la poussière.
Dans son traité de Divinatione Cicéron parle couramment de la prédiction de l’avenir, comme il en était pour Socrate, dit-il. Mais, chose singulière, il ne s’en étonne pas. Sans y croire, il ne se refuse pas à l’admettre. « Je pense, dit-il[2], qu’il y a réellement une divination, ce que les Grecs appelaient Μαντική. Si nous admettons qu’il y a des Dieux dont l’esprit régit le monde, que leur bonté veille sur le genre humain, je ne vois pas pourquoi ou se refuserait à admettre la divination. » Il donne, d’après son frère Quintus, quelques exemples de prémonition, notamment un rêve de Quintus qui voyait son frère Tullius tomber de cheval (ce qui était réel). Tullius lui répond — et cette réponse lui paraît satisfaisante : — « L’inquiétude où tu étais de moi t’a fait rêver de moi. C’est le hasard qui a fait la simultanéité du rêve et de l’accident ».