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quand ou les chauffe, j’aurai le droit de nier cette affirmation ; car il y a là flagrante contradiction avec les faits observés, constatés et étudiés chaque jour. Mais qu’on ait découvert un métal nouveau, et qu’un savant nous vienne dire que ce métal, au lieu de se dilater, se contracte par la chaleur, je n’aurai pas le droit de nier a priori. Si invraisemblable que soit cette anomalie aux lois de la physique, je devrai, sous peine d’une blâmable présomption, vérifier cette assertion singulière, puisqu’il s’agit d’une substance nouvelle, peut-être différente des autres.

Toute vérité nouvelle est d’une extrême invraisemblance. Or il s’en présente à chaque instant dans l’évolution des sciences, et, dès qu’un chercheur quelconque en émet une, elle suscite toutes les indignations. Au lieu de vérifier, on nie.

Claude Bernard dit que les animaux fabriquent du sucre. Alors aussitôt les objections se multiplient. « C’est déranger l’harmonie du monde vivant que d’admettre la formation du sucre par les animaux. Ce sont les végétaux qui font du sucre, et les animaux qui le consomment. Le sucre qu’on a trouvé dans les organismes animaux était du sucre amassé par l’alimentation, ou résultant d’une altération cadavérique. Bref le sucre ne peut pas être fabriqué par un organisme animal. »

On sait ce que ces phrases sont devenues.

Supposons qu’on n’ait encore aucune connaissance des propriétés attractives de l’aimant, et que l’aimant soit un corps extrêmement rare, presque introuvable. Arrive un voyageur qui, ayant rencontré un aimant, mais ne pouvant le retrouver, raconte qu’il a vu un corps qui attire le fer. Son affirmation provoquera une indignation et une dénégation universelles. Pourquoi le fer a-t-il cette propriété que ne possèdent ni le cuivre, ni le plomb, ni aucun autre corps ? Pourquoi un corps qui attire ? Jamais on n’a rien vu de semblable. Si c’était chose véritable, on la connaîtrait depuis longtemps[1].

Tout ce que nous ignorons paraît toujours invraisemblable. Mais les invraisemblances d’aujourd’hui deviendront demain des vérités élémentaires.

  1. Quand on a parlé de la contagion de la tuberculose, un professeur de la Faculté de Paris a dit : « Si la tuberculose était contagieuse, on le saurait ». Et à l’Académie de Médecine, on l’a, presque unanimement, en 1878, approuvé.