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PEAU ET TISSU ADIPEUX.

Cette couche cellulo-graisseuse, ainsi que je l’ai déjà dit, double la peau dans la plus grande partie de son étendue et y adhère intimement. Lorsque la peau se déplace, c’est cette dernière couche qui glisse sur les aponévroses, et non le tégument externe sur la couche graisseuse sous-cutanée.

Le pannicule adipeux est d’ailleurs d’épaisseur fort inégale suivant les régions et suivant les individus. Il existe chez tous les sujets, même chez ceux qui sont qualifiés de maigres, et, à moins d’émaciation extrême et morbide, il ne fait jamais défaut. Mais on comprendra combien son développement plus ou moins grand influe sur les formes extérieures. Ces dernières seront plus enveloppées chez celui dont le pannicule adipeux sera plus abondant, tandis qu’elles seront plus sèches, plus dures, plus heurtées, chez celui qui le présentera réduit à sa couche la plus mince. Chez la femme et chez l’enfant, c’est à l’abondance du pannicule adipeux que l’on doit la forme plus généralement arrondie et l’effacement presque complet des saillies musculaires.

Mais les variations que présente la couche graisseuse sous-cutanée, suivant les régions, chez un même individu, sont encore plus intéressantes au point de vue morphologique. Elles sont en effet considérables. Des mensurations, faites sur une vingtaine de sujets dont les trois quarts appartenaient à la catégorie des gens maigres et dont pas un seul ne dépassait les limites d’un embonpoint fort modéré, nous ont donné les résultats suivants[1] :

Le pannicule adipeux manque sous la peau du nez, des paupières, etc. ; il est très mince au dos de la main, du pied, au niveau des clavicules (1 à 2 millimètres). C’est sur le torse qu’il est le plus épais, et il y est répandu très inégalement. Le maximum d’épaisseur est aux fesses (1 centimètre en moyenne et jusqu’à 3 centimètres) ; puis vient la partie postérieure du flanc (8 millimètres en moyenne et jusqu’à 1 centimètre et demi) puis la région mammaire, dans sa moitié inférieure, aux environs du mamelon (6 millimètres en moyenne et jusqu’à 1 centimètre et demi). A l’abdomen, il est plus abondant au-dessus qu’au-dessous de l’ombilic (en moyenne 6 millimètres et demi au-dessus, 4 millimètres au-dessous). A la région sous-mammaire, il est peu abondant (en moyenne 3 à 4 millimètres). Au cou, son

  1. Ces mesures ont été prises sur le vivant. Me basant sur ce fait que dans les replis que l’on fait à la peau en la pinçant largement, l’épaisseur de ces replis varie en raison directe de l’épaisseur du pannicule adipeux qui la double et qui se trouve entraîné avec elle, en glissant sur les parties profondes, j’ai mesuré avec un compas d’épaisseur spécialement construit pour cet usage les plis cutanés ainsi formés successivement dans les diverses régions du corps. En divisant par moitié les chiffres ainsi obtenus, j’ai eu l’épaisseur du pannicule adipeux, y compris, bien entendu, celle de la peau. Mais comme les variations de la peau elle-même sont relativement fort minimes, on peut, sans trop s’écarter de la vérité, la considérer comme une quantité constante et mettre sur le compte du pannicule adipeux sous-cutané les variations observées dans les chiffres. Quelques recherches sur le cadavre ont confirmé les résultats obtenus par ce procédé sur le vivant. En raison même de son principe, ce procédé n’a pu être employé que sur les parties mobiles de la peau. C’est pourquoi il n’est pas question dans nos mesures de l’épaisseur du pannicule adipeux de la face palmaire de la main et plantaire du pied, à cause des adhérences étroites de la peau de ces régions avec les surfaces aponévrotiques.