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XII

SUBTILITÉS


Pour aller me noyer je marchais vers la grève.
« Bah ! faisais-je, la vie est longue et la mort brève.
« Et puis, en fin de compte, on ne meurt qu’une fois !
— En es-tu sûr ! » me dit soudain l’étrange voix
Qui me répond tout bas quand je suis solitaire.
Ce mot mystérieux me cloua contre terre.
Et, doucement, la voix reprit : « Ne sais-tu pas
« Que vivre, en vérité, c’est mourir pas à pas ?
« Songe qu’au sablier du temps tombe le sable
« Et qu’en tes poings serrés il coule insaisissable.
« Sans qu’à nul des moments qui semblent les plus tiens
« Tu puisses jamais dire : Arrête, je te tiens !
« Songe que le présent se sauve à la même heure
« Qu’il arrive, fuyard qui n’a point de demeure.