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LES ÎLES D’OR

Épanche un infini d’ondes vibrant en rond
Où tous les gestes, faits ailleurs, se heurteront.
Cet enchevêtrement de toiles d’araignées,
Qui les déviderait, fil à fil alignées ?
Tenants, aboutissants, avant, pendant, après,
Qui pourrait rendre entre eux d’impartiaux arrêts
Équations sans x ! Logarithmes sans table !
Absurdité ! Vouloir la nature équitable,
Croire qu’à nôtre rêve elle aussi se complaît,
C’est n’avoir jamais su la voir telle qu’elle est.
Quand l’homme, sentinelle en sa pauvre guérite,
Lui demande les mots de passe, démérite,
Mérite, elle se tait. Le seul bruit répondu,
C’est le bruit de ta voix, homme, qui t’est rendu
Par l’écho de ton cœur montant sa vaine garde.
Mérite ou démérite, est-ce qu’elle y regarde,
Elle ? Et toi-même enfin, ces mots à grand fracas,
Ces mots de ta consigne, en fais-tu toujours cas ?
Voyons si tout à leur lumière s’examine.
Qu’as-tu fait pour avoir joyeuse ou triste mine ?
Celui-ci marche droit et celui-là tordu.
Sur quoi fonderait-on qu’ils ont chacun son dû ?
L’intelligent, la brute, est-ce par récompense,
Par châtiment, qu’ils sont ainsi ? Nul ne le pense.
Et les nez grecs, les nez camus, les nez bossus,
Sont-ils des prix ou des pensums qu’on a reçus ?