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LES ÎLES D’OR


LII


Hors, hors de ton château, la Belle au bois dormant,
Métaphysique !… Ô vieux château ! L’ameublement
Est en nuage et les murailles sont en rêve.
Et la vie, à n’y pas vivre, fuit. Longue ou brève,
On ne sait ; car parfois on croit que l’on y sent
Dans un éclair furtif l’éternité passant.
Mais quel silence, plein de visions abstraites
Qui s’effacent soudain sous les mains déjà prêtes
À les saisir, les mains en gestes éperdus
N’étreignant que le rien des fantômes fondus !
Et le réveil ! Seul, seul, dans le nu de ces chambres
Désertes ! Un froid noir vous glace. On a les membres
Paralysés, le cœur presque sans battement…
Hors, hors de ton château, la Belle au bois dormant !