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LES ÎLES D’OR

Un cuir de dur-à-cuire à l’épreuve de tout,
Cuir de troupier ayant, comme on dit, de l’atout,
Et qui, l’arme au bras, sûr de ce vieux camarade,
S’aligne à la bataille ainsi qu’à la parade.
Vive la quarantaine et ses corps bien portants !
J’en sais qui font loucher des gaillards de vingt ans.
Labeurs de jour, labeurs de nuit, soleil, froidure,
Vent, pluie, étapes, faim, soif, douleur, il endure
Tout ce qu’on veut, ce corps formé, ce corps tendu,
Quand on l’a mis en forme à lui payer son dû.
Et c’est pitié parfois de voir, traînant la quille,
Des jeunes dont la canne a l’air d’une béquille
Et qui semblent des trois-pattes estropiés,
Cependant qu’on va, soi, d’aplomb sur ses deux pieds,
Avec ses quarante ans à l’oreille en cocarde,
L’âge que vous aviez, vieux de la vieille garde !