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LES ÎLES D’OR


Et tout à coup, c’est dans un pays de merveille,
Dans les pleurs, dans le rire ailé, qu’on se réveille,
Les yeux ravis, le cœur battant,
Hors de soi, hors d’ici, hors de la vie immonde,
En pleins rêves, en pleine extase, et tout le monde
Autour de vous en fait autant.

Et cette salle et vous, au souffle du génie,
D’un accord unanime, ardent, on communie,
Tous, sots, malins, bons et pervers,
Dans le sanglot tragique où crie une âme humaine
Dans le comique franc qu’un mot de verve amène,
Ou dans le ciel pur des beaux vers.

Et l’homme au menton bleu, méprisé tout à l’heure,
Sa femme au teint de fard, c’est elle ou lui qui pleure,
Qui chante, qui souffre, qui rit,
Et souvent de vrais pleurs ruissellent sur leurs joues,
Et parfois l’instrument dont le poète joue
Vit le drame par l’autre écrit.

Il en est dont le jeu, seul, par lui-même, crée.
Le génie à leur front mit sa flamme sacrée,
Et quand on entend ces élus,