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LES ÎLES D’OR


Et maintenant, riez à votre aise, riez !
Moi j’ai des pleurs heureux, ces noms, à les entendre,
Noms des amis choisis par l’ami le plus tendre,
Semailles du semeur aux bons grains bien triés.

Ah ! les beaux livres ! Les grands livres ! Les chers livres !
Captif du vil, du bas, de l’ignoble et du laid,
Quand la vie aujourd’hui m’étreint telle qu’elle est,
Vision que j’en eus alors, tu me délivres.

À travers l’arc-en-ciel du prisme toujours frais,
Parmi des chatoiements d’aube venant d’éclore,
Belle et noble et dans un nimbe multicolore,
J’y vois la vie encor comme je la voudrais.

Ô les romans de geste ! Ô les deux épopées !
L’héroïsme et la gloire y font leur messidor.
Épis mûrs, chefs laissant tomber leurs lances d’or !
Faucilles à l’essor de sifflantes épées !

Ulysse le subtil, Achille aux pieds légers,
M’enseignaient, comme ceux de la forêt d’Ardenne,
Que la mort la plus belle est la mort qui, soudaine,
Vous baise, ivre du vin de pourpre des dangers.