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MES PARADIS

De grand’mère qui conte en tricotant son bas
Et semble quelque fée, elle aussi, de là-bas !
Soi-même, à ce là-bas, comme on y va, sincère !
Quand c’est le loup qui parle, ou bien l’ogre, on se serre
L’un contre l’autre ; on voit leurs yeux rouges ardents,
Le trou blanc qu’ouvrent dans la nuit leurs grandes dents.
Pauvre Chaperon Rouge, avec son pot de beurre !
Heureux Petit Poucet, lui ! Sa chance est meilleure ;
Mais il l’a joliment méritée en effet ;
Et s’il coupe le cou de l’ogre, c’est bien fait.
Ce Riquet à la houppe, en dit-il, des folies !
Et les princesses, donc, ce qu’elles sont jolies !
Qu’on les veuille épouser toutes, ça se conçoit ;
Car chacune est toujours la plus belle qui soit,
Et sa robe est couleur du temps, et tout prospère
Au royaume enchanté que gouverne son père.
On y vit, dans ce bon royaume ; on le parcourt
En long, en large ; et tout voyage y semble court,
Quelque vastes que soient la ville et ses banlieues,
Puisque l’on a chaussé les bottes de sept lieues.
Car on est le Petit Poucet soi-même, sûr,
Et le Prince Charmant, aussi le Prince Azur,
Ton aimé, Belle au bois dormant, le tien, Peau d’âne,
Et l’un des cavaliers qu’annonce enfin Sœur Anne
Quand Barbe-bleue aiguise en bas son coutelas.
« Allons, mes chérubins, vous devez être las »,