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LES ÎLES D’OR


XIV


Car vous avez beau dire, il faut que les pétales
Soient réunis. Il faut qu’à des ardeurs brutales
Leur pourpre se dessèche ainsi qu’en un brasier
Pour qu’éclose la rose au mystique rosier.
Si mystique qu’il soit et de si pure essence,
Ce rosier, où la rose enfin prendra naissance,
Il peut monter au ciel, mais il jaillit du sol ;
Et pour qu’en papillons d’odeurs au léger vol
S’exhale l’idéal dont il parfume l’âme,
C’est la sève d’en bas, du réel, qu’il réclame,
C’est la terre, grossière et forte, au suc vivant,
C’est l’étreinte des corps, l’un l’autre se buvant,
Sans que l’un de la soif de l’autre s’effarouche,
Dans le chaud face-à-face où l’on n’a qu’une bouche.