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DANS LES REMOUS


LXXXVII


Mais il ne fleurit pas, Nature, ton printemps,
S’il n’est beau pour personne et fleurit solitaire,
Si nul passant ravi n’admire ton parterre,
Si toi-même es sans yeux à ses tons éclatants !

Mais ils coulent en vain, ces fûts cataractants,
Où seul l’inconscient Hasard se désaltère !
Le ciel mystérieux ignore son mystère.
L’infini ne sait pas qu’il a des habitants.

Il faut ma soif d’un jour, pour que soit mesurée
La tonne d’où sans fin ruisselle la durée.
À ce grand Tout aveugle il faut mon regard clair.

Et c’est dans le miroir de mes humbles prunelles
Que le monde, fixé pour le temps d’un éclair,
Concentre, sans les voir, ses splendeurs éternelles.