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MES PARADIS


LXXXVI


Arbre sans pied ni cime, aux branchages touffus
Que le vent du possible en tous sens échevèle,
Parterre en fleurs toujours de floraison nouvelle,
Matière, tu n’es pas ; tu seras et tu fus.

Aux caves du grand Tout sont d’innombrables fûts
D’où le vin sans tarir coule à pleine cuvelle.
Le Hasard, qui s’en soûle, y remplit sa cervelle
De rêves infinis infiniment diffus.

Que savons-nous de toi, monde, nous qui vécûmes
Dans une goutte d’eau d’une de tes écumes ?
Humbles, que voyons-nous de ta sublimité ?

Nous cherchons cependant une loi qui la gère,
Sans songer qu’une loi bornant l’illimité,
Éternelle pour nous, est pour lui passagère.