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À MAURICE BOUCHOR


Mon cher ami,

Voici le livre que j’appelais le Paradis de l’Athée au post-scriptum de la lettre te dédiant les Blasphèmes. Il y a, de cela, dix ans. Et en ces dix ans, ce n’est pas seulement le titre du livre qui s’est modifié : le livre lui-même ne ressemble plus guère à celui que j’imaginais alors.

Alors une terrible fièvre d’orgueil me brûlait et j’étais comme soûl du vin de ma pensée. Je l’étais à ce point, que ton retour vers des idées contraires aux miennes me parut une sorte d’apostasie, que j’en souffris cruellement, et qu’il fallut toute la force de notre mutuelle affection pour me retenir de te garder rancune. Par bonheur, cette force était si forte, que rien ne pouvait prévaloir contre elle. Et c’est là précisément que mon orgueil prit sa première raison de se trouver déraisonnable, et que