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LES MORTS BIZARRES

De si malencontreux débuts dans la vie eussent rendu mauvaise une nature ordinaire. Mais Constant Guignard était une âme d’élite, et, persuadé que le bonheur est la récompense de la vertu, il résolut de vaincre la mauvaise fortune à force d’héroïsme. Il entra dans une maison de commerce qui brûla le lendemain. Au milieu de l’incendie, comme il voyait son patron désolé, il se jeta dans les flammes pour sauver la caisse. Les cheveux grillés, les membres couverts de plaies, il parvint au péril de sa vie à enfoncer le coffre-fort et à en retirer toutes les valeurs. Mais le feu les consuma dans ses mains. Quand il sortit de la fournaise, il fut appréhendé au collet par deux sergents de ville ; et un mois après on le condamnait à cinq ans de prison pour avoir essayé de s’approprier, à la faveur d’un incendie, une fortune qui ne courait aucun danger dans un coffre-fort incombustible.

Une révolte eut lieu dans la maison centrale où il était. En voulant secourir un gardien attaqué, il lui passa un croc-en-jambe et le fit massacrer par les rebelles. Du coup on l’envoya pour vingt ans à Cayenne.

Fort de son innocence, il s’évada, revint en France