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LES MORTS BIZARRES

sursauts, le malade raconta son naufrage et les quarante-huit heures passées sans aliment, dans l’eau glaciale.

— Ce n’est pas cela, dit le praticien. Voyons, vous avez pris quelque chose depuis que vous êtes ici ?

— Nous lui avons donne un peu de rhum dans du bouillon, interrompirent les pêcheurs.

— Ce n’est pas cela non plus, répondit l’Esculape. Ah ! par exemple, voilà qui est curieux. C’est un cas vraiment bizarre.

— Quoi donc ? quoi donc ? murmurait le malade en proie aux affres de la mort.

Mais le médecin ne lui répondait pas, et, absorbé par sa pensée, marmottait entre ses dents :

— J’ai déjà vu des noyés par asphyxie, mais c’est la première fois que je vois un noyé par empoisonnement.

— Empoisonnement ! cria notre homme. Empoisonnement ! Ah ! j’y suis. Dans quel mois sommes-nous ?

— En juin.

Comme atterré par ce renseignement, il se mit à sangloter. C’étaient les hoquets de l’agonie ! Et l’on prit pour les soupirs du râle le dicton incompréhensible qu’il prononça en mourant :

Juin, juillet, août,
Ni huîtres, ni femmes, ni choux.