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JUIN, JUILLET, AOÛT

son égoïsme, et ne voulut pas renoncer à la vie.

Enfin, il put être rejeté au rivage. Exténué, mourant, il saisit le roc de ses mains crochues, et réunit toutes ses forces pour crier au secours.

Il faisait nuit. On ne venait pas.

— Hélas ! pensait-il, maintenant que je pourrais être sauvé, vais-je mourir ici ? Ah ! si j’avais la force de me traîner jusqu’à ces maisons où ma voix n’arrive pas ! Ah ! si seulement je pouvais manger un peu ! la force me reviendrait.

Comme il pleurait de rage et d’impuissance, ses doigts rencontrèrent sur le roc des coquillages, des moules, des huîtres. La faim donne de la vigueur. Il eut assez d’énergie pour les arracher et les ouvrir. C’était le secours demandé, c’était la force, c’était la vie.

Prudemment, sagement, sans gloutonnerie, il mangea la chair savoureuse et put se repaître.

Ainsi réconforté, il se remit à crier. Cette fois, sa voix plus sonore fut entendue. Des pêcheurs vinrent le chercher, et bientôt il fut installé sur un bon lit, près d’un large feu. On lui fit prendre un cordial qui acheva de le ranimer.

Il était sauvé !!!

Tout à coup une douleur atroce éteignit le sourire sur ses lèvres. Ses yeux se retournèrent, ses membres furent crispés. Une crampe d’estomac, suivie d’une tranchée, lui secoua tout le corps. Il avait le feu aux intestins, le ventre tordu.

On appela un vieux médecin des environs.

Parmi les hoquets, les grincements de dents, les