ches, et vider fiévreusement la poudre des cartouches qui devait servir à rendre plus cruel son bûcher.
J’hésitai un moment à poursuivre. Mais le capitaine était là, sanglant, la figure blême, qui me regardait de ses grands yeux vitreux. Je donnai un baiser à ses lèvres pâles, et je me remis à l’œuvre.
Soudain en relevant la tête, je vis que la uhlane pleurait. Cela m’étonna.
— Tu as donc peur ? lui dis-je.
— Non ; mais en te voyant embrasser ton mari, j’ai pensé au mien et à tous les êtres que j’aime.
Elle continuait à sangloter. Elle s’arrêta brusquement et me dit en mots entrecoupés, presque à voix basse :
— Est-ce que tu as des enfants, toi ?
Un frisson me parcourut le corps. Je compris que la pauvre femme en avait. Elle me dit de regarder dans un portefeuille, qui se trouvait sur sa poitrine. Il y avait deux photographies de tout jeunes enfants, un garçon et une fille, avec ces bonnes et douces figures joufflues de bébés allemands. Il y avait aussi deux mèches de cheveux blonds. Il y avait encore une lettre écrite en gros caractères, d’une main peu exercée, et commençant par les mots allemands qui signifient « ma petite mère. »
Je ne pus retenir mes larmes, mon cher ami. Je la détachai, et, sans oser regarder la face de mon pauvre mort qui restait sans vengeance, je descendis avec elle jusqu’à l’auberge.