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LES MORTS BIZARRES

sourd. Je n’ai point dit un mot depuis quinze années. J’ai renoncé à l’usage des sens grossiers et imparfaits, y compris la Conscience et la Raison, qui pouvaient gêner mon sens nouveau. Je n’ai gardé du vieil homme que l’attention et la volonté. Je sais écrire dans l’ombre. J’y écrirai les mots de lumière.

Ma première expérience durera environ une heure. Il est à présent sept heures du matin. Mon vieux domestique arrivera dans ma chambre à huit heures. Là, il trouvera écrits mes ordres, ainsi qu’il en a l’habitude tous les jours. Dans ces ordres, je lui dis de descendre à cette salle basse de mon château où il n’est jamais entré, et je lui indique le moyen de me faire sortir de l’appareil, s’il me trouvait évanoui. J’écris ici tous ces détails afin de bien constater que j’agis en pleine liberté et sachant parfaitement ce que je fais.

Comme je pourrais mourir aussi pendant l’expérience, j’ai tenu à relater brièvement et clairement l’histoire de ma théorie. C’est par la même raison que je vais maintenant décrire mon appareil métaphysique, ne voulant en aucun cas laisser de mystère après moi.

C’est un fauteuil machiné dont j’ai agencé moi-même toutes les parties. Mes jambes seront tenues immobiles par une gaine dans laquelle je les introduirai en m’asseyant. Une fois assis, je placerai mon bras gauche sur le bras du fauteuil, et ma tête le long de l’oreillette de droite. Dans cette position, j’ouvrirai la bouche, qui sera maintenue ouverte par un solide