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UNE HISTOIRE DE L’AUTRE MONDE

sions. Nous resterons ici une semaine. Puis une belle nuit nous partirons. Et nous trouverons bien moyen de quitter l’île ! Nous irons à Sidney, si tu veux ?

— À Sidney ? Et par quelle route, ma chérie ? Sur quel vaisseau ? enfant !

— Nous irons, te dis-je ! moi j’en suis sûre. Les archipels des environs sont remplis de caboteurs qui font le commerce avec l’Australie. On nous prendra bien à bord ! Marius et toi, d’abord, vous serez d’excellents matelots. Et moi je ferai la cuisine de l’équipage, s’il le faut. Mais nous partirons, nous irons, nous arriverons ! Quelle joie ! quel bonheur ! Il me semble que j’y suis déjà !

— Oh ! si tu disais vrai ! oh ! oui, quelle joie ! Comme nous serions heureux ! comme je travaillerais de toutes mes forces, de tout mon cœur ! car je ne resterai pas saltimbanque, tu penses bien. Je ne veux pas que tu sois la femme d’un faiseur de tours. Je prendrai un état. Je n’en sais aucun à fond, mais j’ai commencé à en apprendre plusieurs. Je pourrai être forgeron, charron, charpentier. Je suis fort. J’aurai du courage. Ne seras-tu pas là pour me soutenir, me fortifier, m’aimer ? Quelle bonne vie nous mènerons ! Quand je reviendrai de l’ouvrage le soir, je trouverai ma Jeanne à la maison, et mes petites Jeannettes et mes Jeannots ; et pour me reposer, je les embrasserai bien fort.

— Comme ta Jeanne t’embrasse en ce moment, répondit la jeune fille, qui lui coupa la parole par un baiser.