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UNE HISTOIRE DE L’AUTRE MONDE

de sang, et moi j’ai des fourmis dans le bras. Passons à un autre exercice !

Et, tandis que Marius déroulait les anneaux de son corps tordu, l’hercule fit basculer le vieux, et le déposa par terre, en lui tenant délicatement le sommet du crâne entre le pouce et l’index.

— Pauvre vieux, lui dit-il en manière de plaisanterie, tu ne te doutes pas que je viens de faire avec ta carcasse un des plus beaux tours du monde. Fichtre ! cela fait près de cent livres que j’ai tenues là un instant à la pince.

Marius, à ce moment, riait à se faire éclater les côtes, en examinant la mine effarée des sauvages.

— Regarde donc, Jean, comme ils roulent de gros yeux blancs ! On dirait que ces yeux veulent sortir des têtes, pour voir de plus près.

Comme il finissait de rire, il se redressa brusquement de toute sa taille, ainsi qu’il avait l’habitude de faire sur les places publiques pour commencer son boniment ; et il lâcha ce boniment avec une extraordinaire volubilité, sans compter ses phrases, de l’accent particulier aux pitres, aux charlatans, aux perroquets et aux vendeurs des bazars.

— Tenez, messieurs ! nous ne sommes pas venus ici, mon collègue et moi, pour vous offrir de la poudre à punaises, de la poudre à dents, de la pondre à cors. La poudre à punaises vous importe peu, puisque le suicide est un crime, ainsi que l’a démontré le grand philosophe Jean-Jacques, mon élève ! Les cors sont une superfétation que vous ne connaissez pas, n’ayant