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UNE HISTOIRE DE L’AUTRE MONDE

Un bourdonnement aigre et rapide, qui s’éleva soudain, vint arracher les deux amis à leur extase. C’était le vieux prêtre qui commençait les incantations.

Marius risqua un coup d’œil, et, se penchant un peu en dehors de la cachette, put voir la curieuse cérémonie.

Environ trente sauvages étaient alignés le long de la paroi, portant au bout de leur bras droit tendu en l’air chacun une torche fumeuse. À la rigidité de leur tenue, à la couleur jaune ou brune de leur corps, à l’immobilité avec laquelle ils tenaient les torches, on eût dit une rangée de porte-flambeaux en bronze.

Ils étaient coiffés selon le rite des grandes fêtes, c’est-à-dire la chevelure ramenée en touffe au sommet du crâne, exhaussée par une aigrette de plume et roussie à la chaux. Cela faisait comme un casque bizarre, qui semblait reposer sur les oreilles, larges, décollées, ouvertes en éventail, le lobe percé d’un énorme trou.

Pour tout vêtement, ils portaient des amulettes, des colliers de serpentine verte, des bracelets de coquillages nacrés, une ceinture et des jarretières en poil de roussette.

Leur vrai costume, c’était le tatouage ; non le tatouage au pinceau comme chez les Peaux-Rouges d’Amérique, mais le tatouage en relief. Ce tatouage est produit par des moxas faits avec des brins d’herbe résineuse, qu’on pique dans la peau et qu’on fait brûler dans la piqûre. Les moxas, étant disposés se-